IV
1
ELLE
Elle est toute en chacun
Plus vie que la vie elle-même.
Elle prolonge le vécu
Dans l'aventure vers l'absolu.
Elle est comme le pain
Et doit être partagée entre tous.
Elle est le chant de l'intimité.
Elle est une harpe intérieure,
Un trésor, une perle de la pensée,
la parole du cœur.
Elle est un fleuve majestueux et fertile,
Un jardin sans fruit défendu.
Elle ouvre les portes de la mer.
Elle est plus que la philosophie,
La raison chantée.
Elle est une peinture que l'on entend.
Elle est la musique de l'âme
Qui adoucit le cœur du guerrier.
Elle donne de la durée aux peuples éphémères.
Elle nous enlève à notre solitude
En se logeant dans les pauses et les silences.
Elle est la vérité qui emprunte sa flamme au cœur.
Elle est un feu consumant.
Elle est un holocauste de mots,
Des mots qui se brûlent en sacrifice.
Elle produit des fruits de lumière.
Arme chargée d'un avenir en expansion,
Passerelle au dessus des gouffres obscurs,
Elle réconcilie la vie et la mort
Dans une religion sans espoir.
Elevant l'horreur jusqu'à le transfiguration,
Elle se nourrit de la nostalgie du futur:
LA POESIE.*
Bruno ALEXANDRE
* Hommage lui est rendu d'après quelques définitions
de poètes du monde entier
******
IV
2
RENDEZ - VOUS
A celle qui me fait signe
Par une fenêtre du ciel
Où Dieu de ses yeux bleus
Suit le conciliabule des anges
Sur son belvédère galactique,
Je réponds sur le ton de Molière:
"Vous êtes l'ange de mon bonheur!"
Comment pourrais-je, ange déchu,
Arpentant le gris de la terre battue
Sous le plomb des brouillards brisés,
Rejoindre votre rendez-vous osé
A la porte du paradis?
Je n'ai plus d'ailes,
Mes brodequins patinés
Divorcent de mes pieds,
Ils n'aspirent plus qu'à descendre les pentes
Jusqu'à ces vals que les djinns hantent.
Là des sources apaisantes
Me promettent avec éclat
Une paisible croisière vers les deltas.
Je ne veux me faire que bateau frêle
Epousant la paresse des eaux nouvelles.
Je veux écouter les voix chatoyantes
De leurs cascades babillantes
Aux rires de bruine.
Elles prophétisent l'apothéose marine
Et la dilution délectable
Dans l' infini linceul d'argent
Du ciel des sédiments.
Bruno ALEXANDRE
******
IV
3
KRAOU-OU
Kraou-ou, kraou-ou, kraou-ou,
Dans la toundra c'est la chouette à bout!
La chouette Harfang dans son burnous
Qui sonne le tocsin des fous,
Kraou-ou, kraou-ou, kraou-ou.
Le manteau blanc troué de la terre
Cède le passage aux rayons mortifères.
N'entends-tu pas le cri des glaciers?
La banquise tangue le cœur fêlé
Elle donne trop de larmes à l'océan,
Ses pleurs mouillent les îles
Révisent les côtes.
Ici, la Mer de glace n'a que reflux,
Là-bas, le Sahel meurt de soleil.
Homme qui pille les entrailles de la terre
Pour le deuil de l'atmosphère,
Oublieux des sagesses antiques,
N'ignore pas le désarroi des lièvres arctiques,
La faim des baleines franches.
Ecoute la prière des ours blancs
Qui vieillissent avec moins d'enfants.
Ecoute la plainte des renards bleus
Qui n'ont plus le temps d'être heureux,
Glapissant dans leurs neiges mouillées.
Homme sec, tu as perdu pied.
Regarde dans ton miroir glacé,
Dans le bleu de tes yeux écarquillés,
Les débris de ton destin, éparpillés!
Bruno ALEXANDRE
******
IV
4
Tu pars, Amour blessé?
Alors je t'ai mal aimée.
Pour ton bonheur
Je retiens mes larmes
Qui perlent dans mon cœur.
Haïr serait gommer l'amour.
Nous aurons encore des rendez-vous
Dans le secret des nuits
Malgré les extases du jour.
Peut-être que sans nous
Le soleil dardera moins de rayons
Et que plus sombres grandiront les ombres.
S'égaieront nos pensées secrètes:
Je vois déjà dans mes rêves
Une belle libellule,
Un agrion demoiselle
Caressant tes cheveux,
Et je suis dans ses antennes!
Tu rêveras de ce papillon,
Superbe paon du jour
Butinant la fleur que je cueille,
Et tu seras dans les yeux de ses ailes!
Je laisse sourdre sur le papier
Ce que mes lèvres ont retenu.
Des ondes, secrètes complices,
T'apporteront un jour ma douce prière:
Tu pars Amour blessé?
Alors je meurs à demi.
Je t'en prie
Meurs avec moi ,
A demi aussi.
Alors par nous deux
Il restera une vie,
La vie suspendue
Des jours heureux.
Il nous en souviendra
Dans le déclin du temps.
Devant les soleils rouges du soir
Et les rancoeurs évanouies,
S'étonneront nos âmes en lassitude
De l'étrange fertilité de l'incomplétude.
Bruno ALEXANDRE
******
IV
5
JE T' ATTENDS
(Petite Ballade)
Dans l'aurore j'ai fait un rêve,
Tout mon être brûlait d'espoir:
Dans le trouble de ma nuit brève
Lugubre comme un vieux mouroir,
Une forme dans un miroir
Aussi belle que l'ancolie
M'apparut dans un blanc peignoir…
Je t'attends sylphide jolie.
Victoire mon hiver s'achève!
Dieu bon sur mon âme a fait choir
Une réplique de son Eve
Pour à ma souffrance surseoir,
Je le prierai chaque soir
De comprendre mon homélie,
Mon cœur est maintenant brûloir,
Je t'attends sylphide jolie.
Dans mon jardin le jour se lève,
Flamboyant est mon promenoir,
Via de la rosa s'élève,
Via dolorosa, bonsoir!
Ma Belle comme un ostensoir
Brille dans mon cœur en folie!
Bientôt sujet de ton pouvoir,
Je t'attends sylphide jolie.
Pour enfin avec toi m'asseoir
En une divine embellie,
Je t'ai préparé un boudoir,
Je t'attends sylphide jolie.
Bruno ALEXANDRE
******
Bienvenue sur notre site.
Les textes proposés sont libres de droits à condition d'en indiquer la provenance et l'auteur.